LES TROIS VIES
DE GAUTIER LAFRANCESCA
Ancien hockeyeur de haut niveau, notamment aux Boxers de Bordeaux, Gautier Lafrancesca a vu sa vie basculer en mai 2022 après un accident de la route. Devenu paraplégique, ce compétiteur a trouvé la force de se battre jusqu’à exceller dans une nouvelle discipline.
11 avril 2025. La date pourrait marquer un nouveau tournant dans l’existence de Gautier Lafrancesca. Ce jour-là, l’ancien hockeyeur jouera la finale du championnat de France par équipes en tennis-fauteuil à Grenoble. Un retour dans le sport par la très grande porte pour celui qui, à bientôt 41 ans qu’il fêtera ce samedi, décompose son existence en morceaux bien distincts : « J’ai eu trois vies, lance-t-il. La première représente ma carrière dans le hockey/Glace qui a occupé mes journées jusqu’à mes 32 ans. J’ai évolué dans des clubs tels que Rouen, Chamonix, Anglet ou Bordeaux avec de nombreuses années au plus haut niveau. Puis, ma deuxième vie a commencé à l’arrêt de ma carrière avec une vie de travailleur lambda. Et la troisième a débuté en enfer le 4 mai 2022. »
Un mercredi de printemps ensoleillé qui a vu la vie de Gautier basculer. Alors qu’il partait au travail sur son scooter, l’ex-hockeyeur est percuté par l’arrière par un utilitaire qui a tourné sans prêter attention au deux roues. Le choc est d’une violence extrême, Gautier est projeté à 47 km/h contre un mur avec un bilan effroyable de neuf fractures dont six côtes, deux vertèbres, le cotyle gauche, une hémorragie cérébrale et un hémopneumothorax. Opéré cinq heures et demi, le diagnostic tombe avec une paraplégie décelée à cause une moëlle épinière touchée : « Il a fallu digérer, ça a été très dur, lance Gautier Lafrancesca. Durant les six mois qui ont suivi, j’ai eu d’énormes idées noires. J’étais en enfer, comment allais-je me remettre de cet accident? Tout était remis en cause.»
Mais la détermination et le mental du sportif de haut niveau, les nombreux soutiens indéfectibles et de tous les instants de Charlotte, sa désormais ex-femme, de la famille, des amis, du monde du sport et du hockey de Bordeaux, de Gironde ou de toute la France, ceux de Bouney, sponsor d’Anglet, d’Euskadi Cup, ceux de Pierre Gasly qui a envoyé un message et de l’association des joueurs d’Anglet qui ont participé à l’achat du premier fauteuil de tennis, ont aidé Gautier dans cette lente reconstruction.
« Je me suis retrouvé à passer d’une vie pleine à un lit d’hôpital à ne pas pouvoir bouger pendant de longs mois. Ça a été une remise en question très longue et très dure. Et puis, je me suis dit que j’étais quelqu’un qui aimait surprendre mon entourage et qu’il n’y avait pas de raison que le regard des autres changent parce que j’étais maintenant en fauteuil. Je suis un gagneur et ce côté de ma personnalité a alors pris le dessus. »
Lui, l’homme du collectif s’est alors tourné vers un sport individuel en intégrant le club du Bouscat pour jouer au tennis-fauteuil. « Il me fallait cet exutoire. Et comme je ne sais pas faire de sport pour me détendre, que j’ai la gagne en moi, je me suis lancé à fond dans cette discipline malgré les douleurs récurrentes que mon corps me fait subir. »
Passé d’une place de 294e national à 109e, Gautier n’entend pas s’arrêter en si bon chemin : « J’ai envie d’arriver au top niveau dans cette discipline. Déjà champion de Nouvelle-Aquitaine par équipes, le natif de Bordeaux espère bien auréoler cette montée en puissance par un titre de champion de France en avril prochain. Un trophée en forme de reconstruction pour le nouvel as de la raquette qui tient a rappeler « qu’un handicapé, c’est un être humain. On trouve des ressources insoupçonnées même si les embuches restent nombreuses comme l’accessibilité, le respect des gens ou le prix des fauteuil qui coutent très chers. » Le guerrier est plus que jamais toujours là.
Vincent Ferrandon
Illustration : LineFrames : instagram :@line_frames
Gautier a créé un site internet racontant son histoire : https://lafrancesca.fr/
Instagram :@gotlafrancesca
